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Le blog de Aboubacar Fofana

Il s'agit d'un blog qui s'intéresse au devenir du continent Africain. D'où la prospective avant la proposition.

Pourquoi se préoccuper aujourd’hui du choix de bons leaders pour la Guinée?



«Aucune institution n’est viable sans la qualité des personnes  essentiellement préoccupées pour son maintien et  la réalisation de ses objectifs communément fixés »

 

Le peuple de Guinée traverse actuellement un moment critique de son histoire. Le massacre des militants de l’opposition le 28 septembre 2009 n’a laissé aucune personne insensible dans le monde. Les Guinéens ne sont plus seuls ni à enterrer leurs morts ni à sanctionner les bourreaux ou à se battre pour la démocratie et la bonne gouvernance. C’est dire que l’ensemble de la communauté internationale a aujourd’hui pris conscience du drame guinéen et reste particulièrement préoccupée pour l’avenir de ce pays. Face à une telle mobilisation exceptionnelle, l’enjeu devient crucial et exige désormais une très grande vigilance, de responsabilité et de solidarité de la part des responsables politiques guinéens. Tout le monde civilisé observe la Guinée. Dans cette perspective, aucun risque d’erreur, aucune manœuvre dilatoire, aucun calcul personnel ou de démarche solitaire n’est admissible. Il est temps que l’intérêt général soit replacé au cœur de la gestion du pouvoir et dans la tête des responsables politiques dans ce pays. C’est dire que la période que nous traversons actuellement constitue une étape indispensable pour la mise en place d’un véritable organe de transition permettant l’organisation d’élections libres et transparentes, susceptible d’aboutir à une alternance politique. Le temps est donc venu de se remettre en cause et ne plus admettre le mensonge, la démagogie, l’incompétence, la servitude, le vol, la pauvreté, le mépris, l’exclusion, l’ethnocentrisme et la violence. Les Guinéens doivent prendre conscience qu’ils ne peuvent plus continuer à violer les droits humains, la libre circulation et la protection des biens ni à ignorer la pluralité d’opinions politiques ou l’existence de la diversité d’acteurs sociaux et politiques.

L’analyse du diagnostic établi par l’ensemble des forces sociales et politiques du pays depuis 2006, montre la place qu’occupe le facteur humain dans la crise politique en Guinée. Le comportement humain se révèle déterminant non seulement pour comprendre la crise politique guinéenne mais surtout la matière selon laquelle le pays peut en sortir. Le problème guinéen n’est donc pas une question de ressources naturelles (pays souvent qualifié de scandale géologique ou du château d’eau de l’Afrique Occidentale) mais résulte en réalité du choix de la qualité des hommes et des femmes capables de transformer ces ressources au profit de toute la population guinéenne.  Les Guinéens peuvent inverser cette situation s’ils consentent largement à privilégier l’émergence d’un bon leadership. Celui-ci pourrait servir de modèle de bonne conduite et de gouvernance exemplaire pour enfin sortir ce pays des ténèbres. C’est pourquoi il faut être vigilant sur le choix des leaders. Seuls ceux qui s’engagent à respecter la constitution des Guinéens et à partager le pouvoir avec les autres forces politiques ou sociales seront favorisés.

 

1.     Il faut des leaders capables de respecter la constitution

 

Le choix d’un bon leadership est une garantie essentielle non seulement pour le respect des institutions établies mais aussi la réalisation des objectifs communément fixés. Les forces sociales et politiques du pays, en mettant de côté des ambitions personnelles, devront faire preuve de vigilance et de rigueur dans la phase actuelle. Les Guinéens ne souhaitent plus revivre le traumatisme du pouvoir personnel et des répressions sanglantes. Si l’actualité politique guinéenne, marquée par la personnalité du capitaine Dadis Camara, n’est plus à démontrer aux yeux de la communauté internationale, la vigilance doit  rester de rigueur puisque cet homme est toujours au pouvoir.

L’objectif de notre démarche vise directement à alerter, pour ne pas parler d’alarmer, les Guinéens, surtout en ce moment, où le processus de transition politique en cours, laisse observer des ambitions personnelles plus ou moins bien aiguisées au point d’oublier que de telles expressions individuelles sont souvent à l’origine des conséquences  dramatiques comme celles que nous venons de vivre à Conakry  le 28 septembre 2009 ou de participer paradoxalement au renforcement du pouvoir en place comme l’échec enregistré après la nomination de Lansanah Kouyaté comme premier ministre de consensus en 2007, qui était d’ailleurs  censé porter les aspirations des forces sociales. Faut-il rappeler à nos leaders politiques que les causes de la crise politique guinéenne s’enracinent inlassablement à la fois dans la désacralisation de la constitution et dans la confiscation du pouvoir au profit d’une seule personne. Faut-il encore et sans cesse tirer le signal d’alarme, si une certaine vigilance n’est pas observée dès maintenant, par rapport à la possibilité de continuation  de l’exercice personnel du pouvoir en Guinée et encore pour longtemps.

Rappelons, dans cette perspective, qu’à la mort de Sékou Touré en mars 1984, après 26 ans de pouvoir personnel et totalitaire, la constitution avait été systématiquement écartée. La contestation de la légitimité du dauphin constitutionnel, incarné à l’époque par la personnalité du Dr Louis Lansana Béavogui, par certains hommes qui se croyaient plus légitimes que l’ancien premier ministre,  avait entraîné la prise du pouvoir par l’armée, dirigée par le Général Lansana Conté. D’où la mise en place d’un comité militaire de redressement national en Guinée (CMRN). Ce régime, comme le précédent, a débouché sur la dictature et la confiscation du pouvoir jusqu’à la disparition physique de son titulaire. A noter que  les répressions qui avaient été exercées ont largement affectées des familles et décapitées plusieurs élites notamment militaires. Ce règne a duré plus de vingt ans. Cette situation n’a pas inspiré la classe politique guinéenne et les leçons n’ont pas été tirées. Le même scénario s’est produit en décembre 2008 après la disparition du Général Conté. Les militaires ont une fois de plus ignoré la constitution en dépit de la déclaration du Président de l’Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, appuyé par le premier ministre et le ministre de la défense, en vue d’assurer l’intérim conformément aux dispositions de l’article 34 de la Loi Fondamentale. La constitution, une fois de plus, n’a pas été respectée. Pourtant, peut-on aisément observer, qu’à chaque fois que la constitution est écartée le pays a basculé rapidement dans la violence et dans la répression la plus sanglante dont le visage le plus éclatant vient de se manifester par le massacre du 28 septembre 2009. Tout cela à cause des ambitions personnelles.

C’est pour éviter des situations aussi dramatiques que la question du choix des femmes et hommes, appelés à diriger le pays, mérite d’être posée dans cette phase cruciale de transition. Il revient à l’ensemble des forces vives se s’y pencher, de proposer en rappelant que les Guinéens ne veulent plus des leaders qui s’éloignent aveuglement des préoccupations du peuple. Ils veulent aujourd’hui des leaders qui s’engagent à respecter la constitution et qui s’attachent à observer les résultats des conventions politiques ou des urnes. Il n’est plus admissible en Guinée désormais que la constitution guinéenne soit écartée ou qu’elle soit modifiée en fonction des ambitions personnelles. Toute forme anti-constitutionnelle de prise du pouvoir est à bannir. Et les militaires, qui se sont spécialisés dans cette pratique, doivent comprendre que leur rôle doit se limiter à la défense et à l’intégrité du territoire. Les forces de sécurité devront, quant à elles, veiller à la sécurité des personnes et des biens sur toute l’étendue du territoire. L’ensemble de ce corps devrait être soumis à l’obligation de respect du principe de neutralité politique et de non exercice du pouvoir politique.

 

 

2.     Il faut des leaders capables de partager le pouvoir

 

Les Guinéens ne veulent plus des leaders qui s’accrochent au pouvoir. Faut-il rappeler que la confiscation du pouvoir résulte le plus souvent d’un manque de compétence et de vision pour son pays. Tous les premiers magistrats de la Guinée, depuis l’indépendance du pays en 1958, ont plus ou moins méprisés l’intelligence ou certaines intelligences se sont opportunément  prostituées pour devenir des démagogues. Cela fait plus de cinquante ans que la Guinée fonctionne sur la base des valeurs irrationnelles et obscures : les compétences, le savoir, le savoir faire, le respect de la hiérarchie, des devoirs et obligations sont quasiment méprisés et totalement piétinés. Aussi la confusion est volontairement et étroitement entretenue entre la sphère privée  et l’espace public, entre le bien personnel et le denier public. Ce système ne favorise ni l’autonomie ni la créativité. C’est dans un tel contexte que le plus médiocre prend la place du plus méritant, le cadre subalterne exerce à la place d’un cadre supérieur, le moins gradé à la place d’un officier supérieur. C’est le drame de la Guinée que de choisir ses responsables politiques ou administratifs sur la base des considérations personnelles, ethniques, régionalistes ou clientélistes. «L’homme nouveau ou l’homme qu’il faut à la place qu’il faut», longtemps forgé et prôné par la révolution culturelle socialiste guinéenne, s’est progressivement transformé  en démon pour se retourner contre son propre peuple. Le capitaine Dadis Camara symbolise parfaitement ce démon guinéen dont il est actuellement  l’incarnation la plus éclatante. Les Guinéens ne veulent plus ce type de personnage politique. C’est pourquoi Dadis doit partir et le CNDD doit être démantelé.

 Si Dadis doit irréversiblement partir, il faudrait réfléchir dès à présent sur les institutions à mettre en place et sur le choix des personnes intègres capables d’assurer efficacement la période transitoire. C’est seulement au sein des forces vives qu’une telle possibilité peut s’envisager et s’organiser. Nous avons tous constaté depuis le 28 septembre 2009 comment les leaders de l’opposition ont montré qu’ils sont désormais capables de se sacrifier pour leur pays et comment depuis une sorte fusion s’est édifiée  entre eux et le peuple de Guinée. Les Guinéens sont convaincus que la possibilité d’une alternance politique, tant rêvée, est peut être possible. Mais cette possibilité ne peut se réaliser sans la maturité en particulier des leaders des partis politiques. Pour ce faire, ces hommes devraient largement user des mécanismes de consensus, de dialogue, de négociation et d’alliances pour rassembler  l’ensemble des forces de changement. L’espace des forces vives reste actuellement la source  même de légitimité des leaders politiques justifiant largement la possibilité du partage du pouvoir  entre eux.

 

 

Respecter les ambitions personnelles ne signifie nullement que tout le monde puisse devenir chef. Il ne s’agit nullement de volonté personnelle mais d’acquisition d’une très grande capacité humaine à rassembler des forces et à conduire à terme une politique. Il  faut être capable d’incarner des valeurs communes, de respecter les règles communes et de réaliser une véritable politique de développement au profit de tous. Les Guinéens, largement traumatisés par les effets du pouvoir personnel, veulent aujourd’hui être acteurs de leur destin en choisissant librement  des femmes ou des hommes qui soient capables de rétablir la confiance, de rassurer, de garantir le respect de la constitution, de conduire une équipe et de mettre en œuvre une politique commune. Des responsables dotés d’une très grande capacité d’écoute, de compréhension, de justice, de tolérance et de générosité.

 

 

Moustapha Diop

 

Paris, le 6 novembre 2009.

 

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