Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Aboubacar Fofana

Il s'agit d'un blog qui s'intéresse au devenir du continent Africain. D'où la prospective avant la proposition.

Anniversaire de l’agression du 22 novembre 1970: droit de réponse à Hadja Andrée Touré

Anniversaire de l’agression du 22 novembre 1970: droit de réponse à Hadja Andrée Touré

Envoyer Imprimer PDF

(Lejour.info) - A l’occasion du 41e anniversaire de l’agression portugaise du 22 novembre 1970, Hadja Andrée Touré, la veuve du premier président guinéen, Sékou Touré (1958-1984), a été interviewée par le site mediaguinee.com. Bien naturellement, c’était une occasion pour elle de défendre implicitement son défunt mari que l’Histoire classe pourtant parmi les tyrans africains les plus atroces. Humainement on pouvait bien la comprendre si elle s’était contentée de défendre son mari. Mais madame Andrée déclare sans aucune preuve juridique que les victimes du camp Boiro étaient tous coupables.

 

« On parle de ceux dont les parents ont eu une certaine participation à tous ces événements. Les faits ont été reconnus par leurs parents et les sanctions ont été prises », a dit madame Andrée Touré. Mais elle feint d’oublier dans quelles conditions les aveux ont été faits, car ce serait bien gênant pour elle.

En effet, il n’est un secret pour personne que ces aveux étaient extorqués par la torture dans la sinistre « cabine technique » du camp Boiro. Les auditions étaient ensuite enregistrées puis diffusées sur les antennes de la radio de propagande du PDG, « La Voix de la Révolution », pour faire croire à la culpabilité de leurs auteurs. Sachant parfaitement comment les choses se passaient au camp Boiro, les gens du peuple n’étaient pas convaincus par ces auto-accusations qu’ils entendaient à la radio officielle, mais personne n’osait contester publiquement l’authenticité des aveux.

Une chose est sûre, l’homme est fait de chair et de sang, il a des limites en toute chose. En l’occurrence, soumis à la torture extrême, il finit toujours par craquer. Le héros supplicié qui a serré la mâchoire jusqu’à la mort, ça n’existe qu’au cinéma ! Dans ces conditions, quelle valeur juridique auraient eu leurs aveux ?

Le Dr Alpha Taran Diallo, avec d’autres membres du gouvernement, avait dû comparaître devant le tribunal populaire révolutionnaire (TPR) que constituait à l’époque l’Assemblée nationale (dont, soit dit en passant, les membres n’étaient jamais élus mais tous nommés par le dictateur Sékou Touré). Devant le TPR, le Dr Taran s’est entendu dire que Baldet Ousmane, ministre de la République, alors incarcéré au camp Boiro, l’a dénoncé comme membre de la fameuse « cinquième colonne », c’est-à-dire un complice interne des agresseurs portugais et des opposants guinéens de l’extérieur. Dans un discours retentissant, dont les enregistrements sonores existent encore, l’accusé a demandé une confrontation avec son soi-disant accusateur Baldet Ousmane. Toute légitime qu’elle fût, sa demande fut rejetée purement et simplement, au mépris du droit le plus élémentaire. La Révolution sékoutouréenne ne s’embarrassait pas de droit.

Cette triste session parlementaire extraordinaire s’était tenue le 20 janvier 1971. Cinq jours plus tard, le 25 janvier, Baldet Ousmane fut pendu au pont du 8-Novembre, en plein centre de la capitale, sans avoir été confronté avec les personnes qu’il aurait soi-disant dénoncées.

Quant à Taran et les autres, ils étaient irrémédiablement coupables du simple fait qu’ils avaient été dénoncés. Et il suffisait que « la Révolution » leur dise par qui ? Ils n’avaient pas le droit de voir leurs accusateurs, a fortiori d’être confrontés avec eux. Dommage, car on aurait bien su comment les aveux étaient arrachés au camp Boiro !

Le ministre Dr Taran Diallo, comprenant parfaitement que son sort est déjà scellé par ses ennemis membres du clan familial de Sékou Touré, a lancé pour la postérité, du haut de la tribune de l’Assemblée nationale, cette phrase pathétique : « Le jour où les gens apprendront que j’ai été fusillé, qu’ils sachent que j’ai été fusillé parmi les révolutionnaires ! »

Six mois après la pendaison publique de Baldet Ousmane avec qui il n’a jamais été confronté, Taran est arrêté (juin 1971) puis fusillé le 18 octobre, attaché dans un sac et pendu dans un arbre avec 70 autres patriotes, dont le général Noumandian Keïta, créateur de l’armée guinéenne.

Eh bien oui, la Révolution était une mère sorcière qui dévorait ses meilleurs enfants !
Parlant des familles des victimes, madame Andrée Touré a dit dans son interview : « Je pense que les enfants doivent comprendre qu’ils ne sont pas responsables des actes de leurs pères. C’est douloureux d’avoir une telle charge à supporter. Je comprends cela. » C’est tout ce que cette femme, mère, trouve à dire pour consoler les enfants des victimes du camp Boiro assassinés par son mari. Qu’elle sache que ces enfants-là (que nous sommes) ne culpabilisent guère, pas plus qu’ils n’ont cru un seul instant aux accusations portées contre leurs pères. Ils ne supportent aucune charge douloureuse sinon la douleur et la révolte qui les habitent depuis leur enfance pour avoir injustement perdu leurs pères, accusés et suppliciés par le régime fou de son époux. Si quelqu’un devrait culpabiliser dans cette affaire, c’est bien d’abord Andrée Touré elle-même, pour avoir été la femme d’un sanguinaire impitoyable qui a fait assassiner 50 000 Guinéens entre 1953, date de son élection comme conseiller territorial de Beyla, et 1984. Si elle était capable d’éprouver de nobles remords, nous comprendrions alors qu’elle porte une douloureuse charge, n’étant pas responsable des actes de son mari.

Madame Andrée a-t-elle oublié que les détenus du camp Boiro n’avaient aucun droit ? Ciblés de longue date puis arrêtés arbitrairement ou simplement dénoncés par la « milice populaire », ils étaient détenus dans des conditions atroces et interrogés avec la dernière barbarie avant d’être exécutés sans débat contradictoire, sans jugement.

Selon les témoignages de tous les rescapés, les séances de torture étaient officiées directement par le clan familial de Sékou Touré et de son épouse Andrée Touré. C’était une affaire de frères, neveux et beaux-frères. C’étaient Ismaël Touré, le capitaine Siaka Touré (commandant du camp Boiro qui s’était caché à l’hôtel Camayenne durant toute l’agression au lieu de défendre sa caserne), Moussa Diakité, Mamadi Keïta.

Heureusement, grâce à la justice immanente de Dieu, ils ont tous connu le même sort que leurs victimes innocentes : passés sommairement par les armes après la mort de leur protecteur Sékou Touré qui, somme toute, n’était qu’un mortel.

L’agression du 22 novembre avait fourni à Sékou Touré l’occasion dont il rêvait depuis longtemps pour achever les purges déjà commencées par son régime avec le « complot Kaman-Fodéba » de 1969. Après l’agression, 12 000 cadres civils et militaires furent arrêtés dans une cascade de dénonciations suscitées sous la torture ou faites par la « milice populaire ». Beaucoup furent même arrêtés sur un simple doute quant à leur « engagement révolutionnaire ». Ensuite, sans jugement, ils furent déclarés coupables et exécutés, certains secrètement. Tous vaporisés !

Ceux que le clan familial sékoutouréen abhorrait le plus ont été pendus publiquement le 25 janvier 1971 à travers tout le pays ou fusillés le 30 juin et le 18 octobre 1971. Parmi les suppliciés du 25 janvier, il y avait une femme, Hadja Loffo Camara, qui avait été ministre des Affaires sociales. Elle avait été non pas pendue mais fusillée. En vérité, son crime datait de longtemps : avec d’autres patriotes guinéens, elle avait osé demander à Sékou Touré, pendant un congrès du PDG tenu dans les années 60, de choisir entre être président de la République ou secrétaire général du PDG, le parti unique, pour éviter un cumul de fonctions qui, à leurs yeux, ne ferait que favoriser une dérive dictatoriale. Tout ce groupe, auquel appartenait le ministre et « compagnon de l’indépendance » Bangaly Camara, fut, au fil du temps, arrêté et exécuté sommairement.

Selon Hadja Andrée Touré, « on est allé jusqu’à dire que l’agression (du 22 novembre 1970) n’a pas eu lieu, que c’était de l’imaginaire ». Nul ne peut nier la réalité de cette agression, mais d’après des témoignages (dont celui du célèbre officier guinéen Kaba 41 qui avait organisé la défense de Conakry pendant l’agression), Sékou Touré était au courant de sa préparation par des Portugais et des Guinéens de l’étranger et l’aurait même favorisée. Les Portugais, eux, voulaient juste libérer le fils d’un industriel portugais détenu dans les geôles guinéennes. Pour leur faciliter la tâche, Sékou Touré alla jusqu’à transférer le prisonnier de Mamou au camp Boiro à la veille de l’agression.

Nous reviendrons largement sur le témoignage de Kaba 41 dans d’autres articles.
Madame Andrée rappelle qu’« il y a eu plus de 360 tués à Conakry. On ne parle jamais de ceux-là. Des cadavres sont restés dans les rues pendant deux jours qu’on ne pouvait pas ramasser à cause de la lutte. »

L’agression du 22 novembre 1970 n’avait pas du tout été une surprise pour les tenants du régime ni pour l’opinion publique. « Vers le milieu de l’année 70, Sékou Touré venait d’annoncer au monde lors d’une conférence tenue au Palais du peuple que la Guinée allait être attaquée par des mercenaires », dit Kaba 41. Après la conférence, les officiers de la garnison de Conakry ont tenu une réunion pour définir à l’avance une tactique de défense de la capitale. Malheureusement, le régime n’a pas pris en compte leurs recommandations, puisque la politique de Sékou Touré était la neutralisation de l’armée mais aussi parce que, par un calcul politique cynique, cette agression allait faire son affaire.

Après le débarquement nocturne des mercenaires, il a fait appel à la population et les armes se sont retrouvées entre les mains de civils peu ou mal formés à leur maniement. Ces armes ont été pour beaucoup la cause des morts enregistrés parmi les Guinéens. Les témoignages sont formels, il y a eu de nombreux morts par balles perdues ou par règlements de comptes. Certains ont profité de l’occasion pour se débarrasser de leurs ennemis personnels.

André Touré a tort de dire qu’on ne parle jamais des compatriotes tués pendant l’agression. Quand des Guinéens tombent sous la violence, c’est toujours tragique. Personne ne peut s’en réjouir. Mais à qui était la faute ?

Sékou Touré avait refusé que l’armée assure la défense de la capitale et la protection des citoyens, comme c’était son devoir. En tant que commandant en chef des armées, il n’a pas permis que les navires de guerre de l’armée de mer attaquent les bateaux ennemis stationnés au large. Il n’a pas non plus autorisé les avions de chasse à les pilonner alors que l’armée de l’air disposait de nombreux Mig et comptait des pilotes chevronnés. Après la libération du jeune prisonnier portugais, les bateaux étaient répartis comme ils étaient venus. Les mercenaires portugais sont tous rentrés sains et saufs dans leur pays, donc ils avaient réussi leur mission.

Tout s’était passé comme si Sékou Touré, que les bains de sang n’émouvaient guère, avait tenu à ce que l’agression eût lieu et voulu que le bilan fût lourd afin de trouver le prétexte rêvé pour achever ses purges commencées en 1969. En tout cas, Amilcar Cabral (cité par Kaba 41) avait dit malicieusement que « le 22 novembre 1970, le sang a coulé inutilement. ».
A suivre…                                                                                                           

LE BUREAU DE L AVCB

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article