22 Août 2009
Nous vous proposons d’aborder aujourd’hui ce triptyque sous l’angle de l’interférence ou interaction que chacun des trois éléments pris séparément peut avoir sur les deux autres.
En effet nous constatons que beaucoup de problèmes que nous rencontrons dans la vie de nos sociétés découlent de l’incompréhension sinon de la non observation des principes de base constitutifs de ces trois concepts.
Nous essaierons tout d’abord de clarifier ces thèmes avant de voir dans quelle mesure ils interagissent les uns vis à vis des autres.
L’état de droit, c’est un Etat qui repose d’emblée sur la séparation des pouvoirs entre le législatif, le judiciaire et l’exécutif, telle que préconisée par Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu en 1748.
C’est un Etat dans lequel le pouvoir législatif repose sur la constitution ou la loi constitutionnelle ou encore loi fondamentale et les pouvoirs judiciaire et exécutif soumis à la loi et au droit. Dans un tel état, les autorités publiques sont soumises aux textes de loi édictés comme n’importe quel autre citoyen.
Dans un Etat despotique, les gouvernants sont affranchis de toute règle de droit comme le fait remarquer le Pr Maurice Duverger.
La prééminence du droit (rule of law) reste le fondement de l’Etat de droit selon S.J.Niemba dans son livre intitulé : »Etat de droit, démocratique, fédéral au Congo-Kinshasa ».
Dans un tel Etat, l’action des pouvoirs publics repose forcément sur le droit.
Par opposition, un Etat policier est celui dans lequel les autorités publiques ont des pouvoirs illimités qui ne sont soumis à aucun pouvoir juridictionnel fait remarquer R. ERGEC.
Ainsi nous remarquons, vu ce qui précède, que dans un Etat de droit, le législateur vote des lois sur proposition parlementaire ou sur un projet gouvernemental, dans un souci d’impartialité et d’équité. Les lois ne sont pas faites contre une personne mais pour protéger la société contre les dérives.
De ce fait, les lois sont impersonnelles et doivent s’appliquer quelque soit le justiciable.
La Gouvernance, sous entendu la bonne gouvernance, car seule celle là nous intéresse, qu’elle soit politique, économique ou juridique suppose l’observation des règles de droit ci-dessus énoncées.
Le terme de gouvernance vient du champ économique et a connu le succès actuel du à la généralisation des règles du domaine privé vers la gestion de la chose publique.
La bonne gouvernance politique consiste dans le fait de respecter les échéances électorales, c'est-à-dire organiser des consultations régulières, à date échue et sans contestation possible. .
D’après les résolutions du Nepad (nouveau partenariat économique pour l’Afrique), la bonne gouvernance présente huit caractéristiques majeures. Elle repose sur la participation, recherche le consensus et se montre responsable, transparente, réactive, efficace, équitable, inclusive et respecte la force de la loi. Elle veille à ce que :
.La corruption soit minimisée,
.Les vues des minorités prises en compte
.Les voies des membres les plus vulnérables de la société entendues lors des prises de décision.
De même, elle doit répondre aux besoins actuels et futurs de la société.
La démocratie, c’est le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé par le peuple (principe de souveraineté), sans qu'il y ait de distinctions dues à la naissance, la richesse, la compétence... (principe d'égalité). En règle générale, les démocraties sont indirectes ou représentatives, le pouvoir s'exerçant par l'intermédiaire de représentants désignés lors d'élections au suffrage universel, d’après une définition donnée par un dictionnaire politique (le toupictionnaire).
L’un des fondements de la démocratie demeure donc la séparation des pouvoirs entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire.
Le peuple demeure le seul détenteur de toute légitimité car c’est lui qui accorde son suffrage lors des élections. Il est donc souverain.
Tous les citoyens demeurent égaux devant la loi qu’ils soient dirigeants ou simples citoyens.
Pour nous être démocrate c’est veiller à traduire dans les actes que l’on pose à chaque instant, surtout quand on est un dirigeant, ou un représentant, les principes fondamentaux de l’état de droit. C’est a à dire le respect de la loi, le respect du verdict des urnes et de l’adversaire politique en reconnaissant la victoire comme la défaite.
La démocratie c’est une manière d’être, une attitude.
Dans la réalité qu’est ce que nous constatons dans les pays Africains?
Des contestations postélectorales suites à des élections transparentes ou non, des tricheries et bourrage d’urnes, la mauvaise foi manifeste des perdants, des propos irresponsables, des appels à la désobéissance civile et à manifester, etc.
Il n’est pas déshonorant de perdre et l’on ne gagne pas à tous les coups. La défaite doit être considérée comme une occasion de mieux faire la prochaine fois. Le respect de l’adversaire doit être de mise entre les différents protagonistes.
La démocratie c’est surtout l’alternance pacifique au pouvoir. Un pouvoir qui ne change pas et qui perdure finit toujours par dormir sur ses lauriers et se scléroser.
Le seul moyen de cette alternance « civilisée » demeure le passage par les urnes et le respect par les candidats et leurs militants des règles qui nous gouvernent.
Tous les problèmes de nos états viennent de la non observation des règles de droit contenues dans nos lois fondamentales ou constitutions.
Il faut laisser celui qui gagne une élection, aller jusqu’au terme de son mandat même si on n’est pas d’accord avec sa manière de gouverner. En ce moment là on pourra le sanctionner en ne le reconduisant pas.
Il n’est pas sain et ce n’est pas démocratique de changer les règles du jeu en cours de route en tripatouillant la constitution. Si on devait « nécessairement » le faire, il serait mieux indiqué de procéder par un référendum pour son approbation et non pas passer par une chambre d’enregistrement que constitue souvent un parlement godillot.
C’est le cas, quand les sortants s’avisent de faire sauter le verrou du nombre de mandats constitutionnels pour pouvoir se représenter une énième fois. Souvent c’est ceux la même qui se sont battus pour imposer la dite constitution qui la retouche par la suite.
Ce fût le cas dans beaucoup de pays comme la Guinée, le Cameroun et dernièrement l’Algérie.
Le démocrate, c’est celui qui fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait. Il a ses convictions chevillées au corps.
Le démocrate tient le même discours quelque soit l’interlocuteur qu’il a en face de lui et quelque soit l’endroit où il se trouve. C’est ce que nous appelons un discours qui n’est pas à « géométrie variable ».
En effet comment comprendre, par exemple dans le cas Mauritanien, qu’un Président démocratiquement élu à la suite d’élections reconnues par tout le monde comme transparentes soit renversé par un coup d’état militaire au prétexte qu’il serait devenu impopulaire ?
Qu’adviendrait-il d’un autre gouvernement qui leur déplairait ?
Le plus affligeant dans cette histoire c’est de trouver des soi disant démocrates soutenir fermement les putschistes dans leur basse besogne.
L’Armée ne doit pas maintenir une épée de Damoclès au dessus de la tête du jeu politique et ne doit pas jouer le censeur de la vie politique. Ce n’est pas là son rôle.
Pour ce qui est du Zimbabwé avec Robert Mugabé, nous sommes dans le cas d’espèce d’un pouvoir despotique ou les règles élémentaires de droit sont à la merci de la volonté d’un seul homme qui fait la pluie et le beau temps. Cela fait maintenant presque un an que le monde entier est suspendu aux péripéties pré et post électorales d’un pays. On va de négociations en négociations sans trouver un accord définitif.
Tant que les acteurs ne seront pas convaincus de la nécessité de sortir leur pays du bourbier dans lequel il se trouve rien ne marchera.
Morgan Tzvangirai, suite aux élections législatives gagnées de haute lutte, malgré des intimidations de toutes sortes, est en droit de former un gouvernement et d’avoir les coudées franches pour diriger ce pays.
Après ce qui précède, l’on peut aisément se rendre compte de l’interaction entre les principes d’un Etat de droit, basé sur la séparation des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire, ceux de la bonne gouvernance et ceux relatifs à la démocratie.
Toutes choses étant égales par ailleurs, les uns ne vont pas sans les autres et il est inconcevable pour tout Etat qui se veut moderne et efficient de s’en passer.
Le développement de nos pays passera obligatoirement par la réalisation de ce triptyque.
Aboubacar Fofana
Economiste
Président du Club D.L.G
Paris le 28 novembre 2008